Dans la peau d’un demandeur d’asile : un projet communautaire participatif

Dans la peau d’un demandeur d’asile : un projet communautaire participatif

Janvier 2018

Travail de master en psychologie clinique et psychopathologie de l’Université de Lausanne

Auteures: Karen Devaud en collaboration avec Carla Jaboyedoff

Mené par l’association Traits d’Asile

Lieu: Lausanne

>lien vers la publication complète<

>article en lien de la Fédération Suisse des Psychologues<

Recherche académique et démarche citoyenne

L’exposition « Bienvenue en Suisse » est le fruit d’un projet communautaire participatif et interdisciplinaire qui a été initié en avril 2016 et qui est toujours en mouvement à ce jour. Elle a été développée par un collectif de personnes ayant vécu la procédure d’asile et de personnes intéressées par cette thématique. Tous souhaitaient sensibiliser la population générale aux problématiques du statut administratif de « demandeur d’asile » ainsi que donner la possibilité aux personnes migrantes ayant ce statut administratif de s’exprimer sur leur vécu. Le groupe s’est ensuite organisé en association dont Carla Jaboyedoff et Karen Devaud font partie des membres fondateurs. Traits d’Asile poursuit ce projet d’exposition dans différents contextes, notamment l’espace public et les écoles secondaires et développe de nouveaux projets communautaires en lien avec la migration.

Le travail de recherche en psychologie clinique et psychopathologie a accompagné l’association Traits d’asile entre avril 2016 et février 2018 dans la création de cette exposition collective. Il a permis de documenter l’expérience communautaire participative, d’y développer un espace de métacommunication et une pratique réflexive collective ainsi que de comprendre les éventuelles difficultés psychosociales que peuvent vivre les personnes migrantes ayant le statut de demandeur d’asile. Teinté d’interdisciplinarité dès son commencement, il a également été enrichi des savoirs, expérientiels, professionnels & académiques qui ont permis d’étayer la réflexion et guidé les actions. Le choix d’initier un projet communautaire participatif reposait sur le constat que beaucoup de personnes migrantes vivent de la souffrance psychique d’origine sociale : injustices sociales et spatiales, isolement, stigmatisation, nombreux processus de perte et de deuil, cumule des facteurs de stress, éventuelles réactualisations de traumatismes antérieurs. Au vu de ces éléments, une réponse collective favorisant le lien social permettait d’initier un changement individuel, collectif et social chez les personnes qui prenaient part au projet. Voici les objectifs qui ont guidé la démarche :

– de créer un groupe composé de demandeurs d’asile et de personnes intéressées par cette thématique afin de travailler sur un objectif commun et favoriser la création de liens sociaux horizontaux et respectueux de l’altérité.

– d’offrir un espace d’expression et d’échanges sur la thématique de l’asile et la vie en tant que demandeurs d’asile

– de favoriser l’empowerment des personnes demandant ou ayant demandé l’asile par leur participation aux différentes phases du projet, dans un but d’amélioration de leur bien-êtrede donner de l’information accessible sur la procédure d’asile à la population

– de sensibiliser les visiteurs à la procédure d’asile et ses effets, favoriser la compréhension de situations singulières et générer un vécu par le jeu de rôle, les mises en situation, la scénographie et les histoires de vies relatées

– de favoriser la rencontre entre demandeurs d’asiles et les habitants, promouvoir un dialogue et redonner la parole aux individus ayant un vécu de demandeur d’asile

– de placer l’exposition au cœur de la ville, sur la place publique, afin de co-créer un espace d’échanges sur la thématique de l’asile

– d’habiter l’espace de manière démocratique et favoriser les échanges entre individus de milieux sociaux-économiques différents

– de favoriser le travail interdisciplinaire : Collaborer avec les autres acteurs du milieu de la migration et amener cette thématique dans le milieu de la culture par le Musée de l’immigration et la Nuit des Musées de Lausanne et Pully

« Bienvenue en suisse ? » : Une exposition immersive sur les parcours de demandeu-r-se-s d’asile en Suisse :

Créée à travers de multiples regards, l’installation  » Bienvenue en Suisse ?  » invite les visiteur-e-s à franchir toutes les étapes administratives qu’implique le dépôt d’une demande d’asile. La structure qui prend place dans l’espace public est composée de multiples espaces interconnectés, chacun représentant une épreuve. Du voyage à la décision finale, il faut passer par un centre d’enregistrement, une visite médicale, une audition du Secrétariat d’Etat aux Migrations, et peut-être même entrer dans la clandestinité. Au fil du parcours, les textes, photographies, vidéos ou encore audios invitent les visiteur-e-s à découvrir les récits du quotidien de la procédure d’asile, l’attente, les peurs, les risques et les chances qu’elle engendre.

« Bienvenue en Suisse ? » a été déployée pour la première fois dans l’espace public, dans le cadre de la Nuit des Musées 2017, sur la Place St-François à Lausanne.

Voici donc en quelques mots les étapes du projet d’avril 2016 à septembre 2017, jour de l’exposition.

  • Avril 2016 à novembre 2016 :

Il était question de constituer un groupe de personnes ayant – ou ayant eu – le statut de requérant d’asile, de communiquer des éléments du quotidien des requérant-e-s d’asile et de créer un projet visible et accessible à la population.

  • Décembre 2016 à mai 2017 :

Une fois un groupe de travail constitué, la deuxième étape de l’élaboration du projet a débuté. Il a alors été question de développer l’exposition dans son ensemble de façon collective. Une réflexion sur la façon de représenter le parcours de la procédure d’asile d’une manière didactique a ainsi été menée. En parallèle, des projets individuels se sont dessinés. La photographie, le texte ou encore la vidéo ont été autant de supports pour raconter des expériences et vécu de la procédure d’asile. 

  • Juin 2017 à août 2017 :

Au cours de cette phase, le contenu de l’exposition s’est dessiné. Les projets individuels ont pris forme et ont été réalisés à l’aide de divers mediums. En parallèle, le projet des installations s’est concrétisé et le matériel nécessaire a été récolté pour entamer le montage et la construction. 

  • Septembre 2017 :

Pendant 2 semaines, les locaux du collectif St-Martin ont été investis pour la construction des installations. Les membres de l’association venaient à tour de rôle, en fonction de leurs disponibilités, pour mener à bien ce chantier.

  • 23-24 septembre 2017 :

A l’occasion de la Nuit des Musées, la place St-François a été investie avec notre installation. Pendant les 2 jours d’exposition, 6 membres de l’association étaient en permanence sur place pour faire vivre l’installation et discuter avec les visiteur-e-s de l’expérience de l’asile. A cette occasion, une collaboration avec le musée de l’immigration et le photographe Marko Stevic ont été initiées. La projection du film « La Forteresse » de Fernand Melgar et des moments de contes d’ici et d’ailleurs par la conteuse Noémie Gachoud ont été également organisés à cette occasion et ont eu beaucoup de succès.

Plus de 500 visiteurs ont visité l’exposition et beaucoup de retours positifs ont été émis !

  • Octobre 2017 à janvier 2018 :

Une évaluation communautaire participative du projet a été organisée. Les personnes ayant participé au projet se sont exprimées dans un focus group où il était question de leur vécu du processus du projet, leurs objectifs personnels, la dynamique de groupe et la collaboration au sein de l’association.

Cette évaluation a permis de compléter le travail de mémoire en psychologie et de créer un espace supplémentaire d’expression sur le processus du projet.

Back to Top