Une ville, un village, un quartier, un immeuble, une place, une chambre sont des espaces traversés, investis et habités par une multitude d’acteurs. Ces différents environnements constituent les milieux de vie des individus et des communautés(1). Ces mêmes individus et communautés y vivent et les transforment par leur vie quotidienne.
Dans cette danse collective et dynamique certains groupes peuvent exercer leur citoyenneté: ils appartiennent et participent au monde qui les entourent, revendiquent leurs droits dans leur quartier, sont écoutés par leur voisinage et leur présence est légitimée dans l’espace public. D’autres groupes, au contraire, ne bénéficient pas de la même qualité d’écoute par le monde qui les entoure, et se retrouvent vulnérables. Ils ne peuvent pas exercer leur droit à la ville(2). Qu’il s’agisse de discriminations liées au genre, à la race, à la classe sociale ou à l’âge, tous les groupes n’ont pas la même voix dans leur habitat, l’espace public, et plus largement dans le territoire. Ils n’ont pas la même influence sur leur propre environnement, pas les mêmes ressources sociales et de santé par rapport à d’autres groupes privilégiés. On parle alors d’inégalités sociales(3).
Les inégalités sociales s’illustrent dans le territoire, au travers des mécanismes d’exclusion de certains groupes. Un phénomène comme la gentrification, soit l’embourgeoisement des quartiers populaires faisant reculer les populations les plus pauvres dans des zones périphériques ou moins attractives en est une illustration. On pense également à d’autres exemples de spatialisation des inégalités sociales, comme l’exclusion des personnes sans domiciles fixe de l’espace public par mise en place de mobiliers dissuasifs, l’interdiction de la mendicité, ou encore la création de dispositifs sécurisés dédiés à certains groupes. Les centres des villes aussi bien que les zones périphériques ou les territoires initialement agraires subissent ainsi certaines pressions face à ces inégalités sociales.
Dans une perspective de justice spatiale(4), KRAFT a pour mission d’aller au plus proche des personnes et groupes défavorisés afin de les accompagner, dans un cadre sécurisant, à influer sur leur environnement social et construit, par l’analyse de leur milieu de vie et la facilitation de l’expression de leurs besoins. Notre démarche adopte toujours une approche collective, permettant la création de liens sociaux et favorisant le sentiment d’appartenance au groupe. Elle permet aussi d’augmenter les ressources, d’éviter l’isolement et d’améliorer la santé des personnes par le renforcement de la confiance en soi, l’autodétermination et le développement de nouvelles connaissances et compétences individuelles et collectives. Plus encore, en encourageant et soutenant des démarches d’appropriation et de transformation d’un environnement construit, nous cherchons à favoriser le droit à la ville et l’accès à un habitat digne.
1. Communauté
KRAFT définit la notion de communauté comme un nombre de personnes se sentant appartenir à un groupe et partagant des intérêts en commun. Ce sentiment d’appartenance mêlé à la reconnaissance de l’existence de ses membres et la co-construction d’un sens collectif partagé sont les éléments fondateurs d’une communauté. Cette communauté peut être située géographiquement dans un même espace mais peut-être reliée par d’autres éléments tels que les relations familiales, de travail ou amicales, la nationalité, la langue, l’âge, des problématiques reconnues comme similaires, etc.
2. Droit à la ville
Le droit à la ville, théorisé par Henry Lefebvre, est un droit que KRAFT définit comme fondamental. Le droit à la ville permet de penser l’urbain comme un bien commun, abolissant les principes fonctionnalistes et d’échange monétaires de production de la ville. Le droit à la ville milite à la fois pour donner une voix et un pouvoir à celles et ceux qui habitent la ville en regard de leur environnement et d’autre part, contre les processus d’exclusion de certaines populations des milieux urbains.
3. Inégalités sociales
Pour KRAFT, une inégalité sociale est la résultante d’une distribution inégale des ressources (matérielles, de santé, d’accession au territoire, à la citoyenneté, etc…) de la société à certains de ses membres, dû à la structure même de la société. Les inégalités sociales peuvent faire naître un sentiment d’injustice sociale. KRAFT travaille donc dans une perspective de justice sociale en faisant la promotion de l’équité envers les populations les plus défavorisées en termes de santé, d’inclusion, de droits.
4. Justice spatiale
La recherche pour plus de justice est un principe fondateur pour préserver la dignité humaine et l’équité. La justice spatiale, théorisée par Edward Soja, est la recherche d’une Ville Juste. La réflexion critique amenée autour de l’espace propose de ne plus le considérer simplement à partir de la dimension physique mais plutôt comme une force active qui façonne notre expérience de la vie. La justice spatiale met ainsi en évidence l’interdépendance entre spatial et social, le spatial étant socialement produit et réciproquement. La justice spatiale traite alors de toutes les dimensions, aussi bien de l’échelle du corps, de l’espace domestique, des lieux de vies collectifs, des quartiers, des villes, des régions ou de l’Etat-Nation. La justice spatiale est un concept qui englobe nombreuses formes de militantisme, de disciplines et perspectives et qui les encourage à se rassembler au travers de différents types de coalitions.